Encore un jour où : fin de 2015.

J’ai encore survécu à une année de merde.

Pas moyen d’avoir la paix franchement.

La tradition veut qu’il faille fêter la fin d’une ère et le début d’une autre au cours d’une soirée de beuverie sur-planifiée et socialement acceptée.

Belette me propose de venir passer le nouvel an avec mes potes.

Ma copine Belette. Elle qui a des problèmes psychologiques récurrents (vous comprendrez pourquoi je précise ça plus tard).

Ma super copine Belette. Elle qui a de grosses tendances dépressives récurrentes (vous comprendrez pourquoi je précise ça plus tard).

Ma super hyper copine Belette. Elle qui a de méga gros soucis de paranoia-maniaco-schizophréno-bipoléro-folledingo récurrents (vous comprendrez pourquoi je précise ça plus tard).

Moi, je dis oui.

Cette amie a, depuis quelques années des passages à vides. Passages qui l'ont mené en hôpital psychiatrique et devant le juge.

Mais bon c’est mon amie, je ne vais pas la laisser tomber. En plus elle me dit qu’elle va bien, que tout s’est arrangé. Pourquoi ne pas la croire ?

Sûrement parce que je suis conne, mais là n’est pas le sujet.

Bref.

Elle vient donc sur Bordeaux pour faire la fête. Mais avant ça elle m’envoie au moins cinq messages me parlant d’elle et me disant comment il allait falloir que je me comporte avec elle.

Rétrospectivement, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Je suis obligée de lui répéter quatre fois les mêmes choses pour qu’elle les comprenne et quatre autres fois pour qu’elle les fasse.

Je répète : rétrospectivement, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Bob, Paulette, Evelyne, Belette et moi arrivons dans la maison des parents de Paulette. C’est un petit cottage extrêmement sympathique. Et hop, en avant pour l’organisation de la soirée.

Belette est quasiment inexistante.

Elle ne parle pas.

Elle zone de-ci de-là, se contentant de nous regarder avec des yeux de merlan frit.

Bon. Je reste calme. Même si j’avoue que ça m’énerve un petit peu quand même.

Les gens arrivent au fur et à mesure, la soirée commence.

Je vous passe les détails de ma soirée de la saint sylvestre on s’en fout.

Belette reste inexistante. Ce qui m'énerve un petit peu quand même.

Le seul élément de la soirée qui nous intéresse pour notre histoire, est que Belette, vers deux heures du matin, part se coucher, sans rien dire. Elle fonce comme une furie dans la chambre.

Pouf.

Envolée.

Soit.

Les filles me regardent et me demandent si tout va bien avec elle.

Non.

Bref.

Le lendemain, on se lève. Doucement pour certains et difficilement pour d’autres. Mais pas belette.

Non, Belette ne se lève pas. Mais alors pas du tout.

A seize heures, les filles me forcent à aller voir si elle va bien. Je m’exécute.

Qu’ai-je fait ?

Scène de désolation dans la chambre. Belette qui pleure dans son lit.

Il est important de préciser que quand Belette pleure, elle n’est vraiment pas belle. On dirait une grenouille chevelue anorexique. Horreur.

Ça m’énerve un peu. Je dois l’avouer, encore.

Je suis une amie horrible.

Je l’écoute me déblatérer des propos incohérents et incompréhensibles.

Ça m’énerve un peu. Je dois l’avouer, encore.

Je suis une amie horrible.

Elle me pose des questions sans queue ni tête, questions auxquelles je n’ai pas les réponses.

Ça m’énerve un peu. Je dois l’avouer, encore.

Je suis une amie horrible.

En plus, elle pue. Mais elle pue grave la mort. Elle a les dessous de bras qui sentent les pieds après une randonnée dans le désert.

J’ai les poils de nez qui m’en tombent.

Je lui file un cachet pour la tête, ce qui après réflexion n’était pas une brillante idée, puisqu’elle s’enfilait un cocktail de somnifères, d’anxiolytiques et d’antidépresseurs comme moi je m’envoie un paquet de Dragibus un dimanche après-midi pluvieux.

Vers dix-neuf heures, je finis par retourner la voir.

Je la force à se lever et à prendre une douche.

Surtout la douche.

Elle va nous tuer l’écosystème environnant si elle sort comme ça.

Je la force à se reprendre et à arrêter de pleurer (dieu merci parce qu’elle est vraiment moche quand elle pioune, j’insiste sur cet état de fait).

Elle nous rejoint, mange une pâte et sort fumer une clope dans le jardin.

Tout d’un coup, on l’entend hurler depuis l’extérieur. Un cri de terreur.

Description de la scène tel-quel : on bondit tous de notre siège.

Je cours vers le jardin.

J’arrive au moment où elle ouvre la porte.

Elle hurle : « Bobby, y’a un ovni ! Regarde y’a un ovni ! »

Je me stoppe net.

Deux solutions s’offrent à nous : soit c’est vrai, et on est dans la merde. Soit c’est faux, et on est dans la merde.

Je décide donc de vérifier ses allégations.

« Mais putain Belette, c’est un avion ! C’est un PUTAIN D’AVION »

Derrière moi j’entends un grognement de soulagement général.

Ce râle s’en suit d’une expression d’incompréhension dans les yeux de mes potes.

« Mais si Bobby, c’est un ovni ! »

Je me force à rester calme.

PUTAIN DE BORDEL DE MERDE ! WTF ?

Elle voit des ovnis !

J’ai envie de lui répondre que oui, c’est un ovni, mais que c’est normal, l’ovniport est juste derrière, juste à côté du champ où broutent les licornes en hiver.

Je me mets même à rire. De trouille, de dépit, d’énervement, de consternation ou de fatigue, je ne sais pas. Mais je ris.

Les autres aussi.

Elle a pris un avion pour un ovni. Bordel !

On a tous les jambes qui tremblent.

Elle a pris une saloperie d’avion pour un ovni. Merde !

On a tous le cœur qui palpite.

Elle a pris les lumières d’un fucking avion pour un ovni. Fait chier !

Quant à moi, plus particulièrement, j’ai envie de l’étrangler. De l’étriper. De lui faire manger le gazon.

Mais à la place, je la rassure.

Après tout, ça peut arriver à tout le monde de voir des ovnis.

Surtout quand on est raflé du cocotier, évidemment.

Ça peut arriver à tout le monde de confondre un avion avec un ovni.

Surtout quand on est agité du bocal, c’est évident.

Ça peut arriver à tout le monde de bousiller la soirée de huit personnes en se prenant pour l’agent K.

Surtout quand on est sifflé du trombone, forcément.

Bref, ça peut arriver.

Mais maintenant au moins, vous comprenez pourquoi je vous ai précisé au début qu'elle avait un petit coup au casque!

Et après ça, on assiste à l’escalade de la déchéance.

Elle me harcèle toute la soirée pour parler (alors que je suis encore saoule de la veille BORDEL DE MERDE), pour rentrer chez elle, en Lorraine (alors qu’il est vingt-trois heures, et qu’on est à Bordeaux BORDEL DE MERDE), pour appeler sa mère (alors qu’il est une heure trente du matin BORDEL DE MERDE) etc..

Le lendemain, faute de place sur la prochaine navette spatiale en direction de Zinzinland, je l’ai mise dans le train pour chez elle. Et ceci, non sans des scènes, des crises de larmes (oh mon Dieu qu’elle est vilaine quand elle chiale !), des propos abracadabrantesques, etc.

Je suis une amie horrible, j'assume

Je ne suis pas psychiatre, tant pis.

Moralité : La vérité est ailleurs.

Signé : Cottage-pearl

Je peux dire que Joséphine rêvait de régler la situation de cette façon.

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